BEAUCOUP
D' ANCIENS DE MADAGASCAR ET DE L' ESCA SONT INTERESSES PAR L' OEUVRE DE
FRERE ROMAIN DANS L' EDUCATION A MADAGASCAR (
VOIR PHOTOS )
|
ARTICLE
DU 30/05/04 Paru sur ile bourbon .net Québécois, Bruno Légaré a décidé dès son plus jeune âge quil serait missionnaire. En 1950, Frère du Sacré-Cur, il débarque à Madagascar. Un demi-siècle plus tard, il y uvre toujours. Après sêtre consacré au développement de lenseignement secondaire et avoir formé les élites du pays, il se consacre depuis trois ans à la création dun centre de formation pour les plus pauvres. Un nouveau défi quà 79 ans il relève avec un enthousiasme étonnant et quil considère comme la plus belle réalisation de sa vie. |
Bruno
Légaré est né en 1925 à Victoria ville, dans
la province du Québec. Issu dune famille catholique pratiquante
de neuf enfants, il se découvre dès lenfance une vocation
religieuse. À 15 ans, je savais précisément
ce que je voulais faire de ma vie, je voulais être missionnaire.
Bruno rencontre alors les Frères du Sacré-Cur qui,
face à sa détermination, lui expliquent la nécessité
de faire dans un premier temps ses vux solennels. Après une
sérieuse formation scolaire et religieuse, Bruno devient Frère
Romain à lâge de 24 ans, avec autorisation de son ordre
de servir sans frontières. Dès lannée suivante,
il est nommé à Madagascar, seule mission du Canada à
lépoque.
On ma envoyé à Tananarive pour y développer le cycle secondaire de lécole du Sacré-Cur dAntanimena (Esca) qui comptait alors 250 élèves, uniquement dans le primaire raconte Frère Romain. Cinquante-quatre ans plus tard, il se souvient avec une distance ironique du jeune homme quil était alors. Jétais plein denthousiasme en arrivant, mais plein aussi dun sentiment de supériorité. Je venais pour évangéliser avec un esprit un peu colonisateur. Heureusement, jai vite compris que la force, cétait de voir ce que lautre a de plus, et senrichir à son contact. Jai finalement beaucoup plus reçu que donné auprès du peuple malgache. À tel point quà son premier retour au Canada, neuf ans après, ses frères lavaient trouvé transformé. Je me sentais tout simplement enrichi dune sagesse nouvelle, un homme de deux cultures avoue-t-il. À Antanimena, létablissement sest progressivement développé, avec la création dun collège puis dun lycée, et le triplement du nombre délèves. Cétait la belle époque pour Tana raconte Frère Romain. Du point de vue de la santé, de la culture ou de lenseignement, les équipements faisaient référence et étaient enviés par la Réunion. Cest pourquoi dans les années 55-65, nous recevions toujours une quarantaine délèves réunionnais qui venaient passer le baccalauréat à lEsca. Le Québécois a dailleurs gardé le contact avec plusieurs anciens élèves. Ils sont pharmaciens, notaire, dentistes, banquier, général ou chef dentreprise aujourdhui à la Réunion ajoute-t-il avec une certaine fierté. Une trentaine dentre eux se sont même regroupés au sein de lAresca (Amicale réunionnaise des anciens élèves des écoles du Sacré-Cur), qui collecte toujours des fonds pour soutenir les projets du Frère Romain à Madagascar. De lindépendance aux geôles de Ratsiraka Au bout de quelques années à Madagascar, Frère Romain trouve la présence de la France pesante et prend peu à peu fait et cause pour lindépendance. Mes supérieurs mont demandé de me calmer car ils me trouvaient trop engagé. Pourtant en 1959, je nai pu mempêcher de participer de façon active au choix de lhymne, du drapeau se rappelle-t-il. Jai même trinqué avec De Gaulle à la Maison de France lorsquil est venu annoncer lindépendance, mais rapidement jai déchanté, car on est tombé dans un vrai néo-colonialisme, toute ladministration étant restée française. Lautre événement majeur vécu par Frère Romain à Tana aura été la révolution de 1972. Je me souviens que mes jeunes de terminale allaient tous les jours à luniversité pour préparer la grève. Et puis un jour, ils ont été raflé et envoyé au bagne. Jai vu le ministre de lIntérieur pour lui dire que cétait une grave erreur que de toucher à la jeunesse malgache. Le gouvernement a hésité, reculé, et puis il y a eu linstauration dun régime militaire et un peu plus tard larrivée de Ratsiraka... Lannée 1975 aura été très douloureuse se souvient le religieux, car ce que les jeunes avaient gagné en liberté, ils lont rapidement perdu avec linstauration du marxisme. Et puis tout sest dégradé et Madagascar na pas fini de payer les erreurs de Ratsiraka. Au début de ce nouveau régime, Frère Romain, en tant que responsable dun établissement renommé, se retrouve pourtant nommé au sein de lOrgane technique délaboration des programmes créé par le nouveau régime. Mais cette collaboration sera très éphémère. Quand jai vu quils voulaient mettre au programme le livre rouge de Mao, jai tapé du poing sur la table et jai démissionné. Il est alors dénoncé comme personnage dangereux et en 1979 se retrouve en prison. Ses supérieurs réussissent à len faire sortir, mais lenvoient alors dans le sud du pays, à Tuléar, pour se faire oublier. Il part tout de même lesprit tranquille après avoir formé ses successeurs, lEsca comptant alors 80 frères du Sacré-Cur, dont 77 Malgaches, et plus de 3000 élèves. À 55 ans, Frère Romain, qui se retrouve dans la région la plus pauvre de lîle, repart à zéro avec un nouvel établissement. Je me suis saoulé dans le travail, et jai pris cela comme un nouveau défi. Jai dit à la population : donnez-moi une belle jeunesse, moi je ferai une bonne école, et Tuléar est devenu en quelques années lun des plus grands collèges de Madagascar. Ouvrir une fenêtre vers les pauvres Mais au bout de quelques années, les supérieurs de son ordre reprochent à Frère Romain dêtre trop élitiste. Cétait vrai, nous étions une école privée payante, qui laissait au bord du chemin ceux qui navaient pas les capacités suffisantes. Mon optique était louable, je souhaitais préparer les élites de demain pour que le pays se développe, mais cela profitait à une infime minorité de la population. Ce nest quau début du siècle nouveau que loccasion attendue par le Frère Romain sest enfin présentée, et quil a pu ouvrir une fenêtre vers les pauvres. En 2001, il a 76 ans et part pour Ambatolampy, à 70 kilomètres de Tananarive, la ville où sont enterrés les frères de son ordre, la terre des ancêtres, comme disent les Malgaches. Le souhait de Frère Romain est douvrir un centre de formation pour les jeunes pauvres et sans espérance. Aujourdhui, à 79 ans, il déploie une énergie incroyable pour trouver les financements et faire aboutir ce projet. Ce sera la plus belle chose que jaurai faite de toute ma vie, car on rencontre Dieu dans lhomme et surtout dans lhomme blessé. À terme, létablissement devrait accueillir 250 élèves dont une soixantaine dinternes, garçons et filles de 14 à 25 ans. Orphelins, délinquants, drogués, illettrés, jeunes femmes en détresse, cest aux plus démunis que Frère Romain veut offrir une nouvelle chance dans la vie en leur apprenant un métier. Nous avons déjà étendu des locaux scolaires, réalisé une médiathèque, et les équipements sportifs sont en voie dachèvement grâce dailleurs à une subvention de la ville de Saint-Denis souligne Frère Romain. Les ateliers de confection, dartisanat, de menuiserie et de mécanique auto sont tout juste terminés. Reste à construire linternat mais les fonds manquent. Il nous faut encore 25 000 euros, pour que tout soit fini pour la rentrée prochaine. Frère Romain ne le cache pas, cest lune des raisons de sa présence à la Réunion ces jours-ci. Ce projet me tient vraiment à cur et lAresca va maider à trouver des financements. Car ces jeunes ont plus que tout autres besoin quon les aide. Frère Romain se défend de vouloir faire du prosélytisme. Je ne cherche pas à faire des convertis, mais je souhaite faire ressortir ce quil y a de meilleur chez ces jeunes. À travers ma foi, je propose les valeurs qui mont rendu heureux, mont fait vivre. Un jeune qui se sent aimé pourra toujours sen sortir. Pour moi, les élèves ne sont pas des vases que lon remplit, mais un feu que lon attise. Parmi les moyens trouvés pour collecter de largent, la vente dun livre qui retrace la vie du Frère Romain. Cest un écrivain et journaliste parisien, Alain Servan, qui lui en a proposé lidée. Il avait déjà écrit un ouvrage sur le père Pedro, et ma proposé de raconter mon expérience à Madagascar explique le Québécois. Résultat, un livre intitulé Il est fou ce Romain, en vente à la Réunion depuis quelques jours, comme en métropole et au Canada. Un livre positif qui délivre un message de foi et despoir qui aura été le credo de Frère Romain tout au long de sa vie : Il faut oser pour réussir ; croire et agir pour ne pas avoir de regret. Béatrice Moreau |
contact webmaster | site des anciens de l' ESCA |